Au fil des récents événements dans l’AES (Mali, Burkina Faso et Niger), Air France a montré un certain manque de tact en mêlant politique et économie. En suivant de près les positions des autorités françaises, au lieu de tenir compte des données concrètes du marché local, la compagnie a fini par s’exclure de territoires stratégiques, laissant ainsi aux pays africains une occasion d’exiger un traitement plus équitable.
L’exemple de l’AES permet d’aborder une réalité longtemps sous-estimée. Le transporteur français, pourtant bien implanté sur le continent, a souvent pratiqué des tarifs élevés en comparaison des distances réelles. Un billet vers une ville africaine peut coûter davantage qu’un vol beaucoup plus long vers l’Amérique, laissant penser que les liaisons africaines subventionnent, en quelque sorte, d’autres dessertes. Par ailleurs, les services à bord – notamment la restauration – ne traduisent pas la même attention portée aux spécificités culinaires que sur d’autres axes internationaux, donnant aux passagers africains le sentiment d’être considérés comme une clientèle secondaire. L’expérience de l’AES, où l’absence momentanée d’Air France a été rapidement comblée par des compagnies concurrentes plus agiles, montre que l’Afrique n’est pas un marché captif. D’autres acteurs aériens ont su ajuster leurs fréquences, leurs tarifs et la qualité de leurs services, remplissant un vide laissé par la compagnie française. Cette recomposition devrait inciter les pays africains à négocier avec davantage d’assurance, afin d’obtenir de meilleures garanties en matière de qualité des avions, de politique tarifaire et d’attention portée aux besoins réels des voyageurs. La leçon dépasse les seuls pays de l’AES. Tous les États africains pourraient trouver ici une opportunité de rééquilibrer leurs relations avec Air France. Il ne s’agit pas de s’engager dans une confrontation, mais de rappeler que la compagnie, soucieuse de préserver ses revenus, devra désormais faire des efforts tangibles si elle entend conquérir ou reconquérir des marchés qu’elle pensait acquis. De telles exigences, si elles sont formulées clairement et fermement, peuvent encourager Air France à repenser ses priorités et à réviser son offre, afin de rendre l’expérience de ses passagers africains enfin conforme à l’importance économique que représente le continent pour elle.